La Maison Forte

Il faut coucher dans le même lit

Xavier Comtesse est co-fondateur du Swiss Creative Center et de Watch Thinking, le premier think tank sur l’agenda industriel. Pour lui, la coproduction nécessite d’abord un partage des savoir-faire.

Licencié en mathématiques et docteur en informatique de l’Université de Genève, Xavier Comtesse est passionné de communication et d’informatique depuis les années soixante-dix. Créateur de trois start-ups à Genève, il a exercé un travail de pionnier dans les domaines de l’édition, la communication, les télécommunications et la diplomatie scientifique. Il a été ainsi le premier Consul scientifique de Suisse à Boston après avoir passé quatre années à l’Ambassade de Suisse à Washington comme diplomate. En 2012, il lance en co-création, pour le compte de la Chambre Neuchâteloise du Commerce et de l’Industrie, le “Swiss Creative Center” dédié à la nouvelle révolution industrielle (FabLab, Design Thinking et Think Tank). En 2014, il fonde avec Elmar Mock (co-créateur de la Swatch) le premier think tank industriel, WatchThinking à partir d’un constat : les milieux de l’industrie ont beaucoup de difficulté à se projeter à long terme et à réfléchir au grand changement de paradigme qu’implique le numérique. 

Par exemple, l’arrivée de l’iWatch d’Apple représente une remise en question fondamentale de toute l’industrie horlogère suisse. L’objectif est donc de bâtir les fondations de la réflexion sur le monde industriel et le numérique.   Xavier Comtesse pose un regard averti sur le premier rapport d’étape produit par notre étude et nous donne matière à réflexion sur les modalités de la coproduction : pour que l’innovation émerge, il faut coucher dans le même lit, c’est-à-dire favoriser le partage, de savoir-faire notamment. 

Quels travaux menez-vous avec le think tank Swiss Creative Center ?

Nous avons crée un espace de réflexion au sein duquel l’on peut faire par le prototypage, pratiquer le design thinking, bénéficier des équipements de notre fablab, etc. Selon moi, un dessin vaut mille explications. 

Existe-t-il des différences notables entre les façons de faire en France et aux Etats-Unis ?

L’expérimentation est bien plus valorisée aux Etats-Unis. Les savoir-faire sont toujours valorisés par rapport aux savoirs. Il existe un réelle approche pragmatique par le faire. Les Américains préférent être dans le prospectif et l’expérimental. La partie théorisation vient parfois après l’expérimentation, et encore, elle n’est pas toujours automatique. C’est l’inverse de la méthode française. L’avantage d’une telle façon de faire réside dans l’accumulation et le partage des savoir-faire. 

Dans le premier rapport d’étape produit par notre étude, repérez-vous des jalons qui mériteraient d’être mieux valorisés ?

Une chose importante à l’émergence de l’innovation est la création de lieux de partage. Même si le travail se fait en réseau, il faut créer des lieux où l’expérimentation puisse prendre forme, au risque de passer à côté de certains projets. On peut tomber amoureux mais on finit toujours dans le même lit. 

Il faut créer ce lit commun. Sur quel type de gouvernance faut-il inscrire ces lieux pour qu’ils aient une chance de fonctionner ?

Les trois mots d’ordre sont cogestion, connexion et coproduction.La cogestion est fondamentale, les usagers doivent d’une manière ou d’une autre être impliqués dans la gestion de ces lieux d’expérimentation. L’économie partagée doit se transcrire dans les modes organisationnels. Il s’agit également d’être connecté à son environnement. Il faut pouvoir se confronter aux idées des autres. A cet égard, le voyage est un formidable outil à la connexion mais aussi à la coproduction. Les fact-finding missions (missions exploratoires) permettent d’entraîner les individus à observer l’altérité. Pour les groupes amenés à travailler ensemble, ces voyages créaient un moment de confiance, de respect et de volonté de dépassement. Il faut sortir du cadre. 

LA MAISON FORTE

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