La Maison Forte

Julien Villa

La Marche, sans visage, sans bruit, sans rien

Du samedi 03 au dimanche 18 avril 2020.

En 2019, face au malaise d’acteurs culturels institutionnels sur le sens de leur mission à l’heure des cultures connectées – bien avant la crise Covid –, l’ONDA (Office National de la Diffusion Artistique) organise un séminaire à La Maison forte. Les personnes présentes s’accordent sur l’idée d’une marche sans objectif, juste pour aller à la rencontre des gens sur la route et, en marchant, tenter de réfléchir au sens des politiques culturelles sur un territoire.

Quelques mois plus tard, Samuel Vittoz, co-directeur du festival de Villeréal, et Henri Devier, directeur de la Gare mondiale à Bergerac, nous présentent le metteur en scène Julien Villa avec un projet qui se propose de n’être ni un spectacle, ni un événement, mais une déconstruction, la répétition d’un mouvement que l’on peine à énoncer. Nous en sommes au troisième confinement. Nous produirons donc une marche, un jeu, un questionnement partagé, une cartographie, le début d’un chemin où il n’est pas certain que l’on recherche une issue. Une simple expérience à partager, à la recherche d’autres possibles que l’on décidera de nommer « boutures ».

À l’origine du projet, un alibi, un roman écrit par Julien Villa, « Rodez-Mexico » : Marco est jardinier dans la zone commerciale du Grand Rodez. Un jour, il apprend que son pavillon va être détruit pour élargir les voies d’accès au centre commercial. Entre dépression et délire, il « choisit » la seconde option et se découvre « Sous commandant Marco de Rodez ». Tout au long du livre, bientôt de la pièce, il lève une armée zapatiste de bras cassés, de fous furieux, de génies donc, pour sauver une « realidade » qui les dépasse. Cette insurrection sera balayée par une catastrophe bien plus profonde.

Après « Philip K ou la fille aux cheveux noirs », Julien Villa et Vincent Arot proposent le second diptyque de leur Don Quichotterie. Après la paranoïa de K. Dick, cette fable magnifique s’inspire de la mythomanie du sous commandant Marcos (celui qui crée le mythe) pour enchanter ceux qui croisent son chemin en rompant avec les codes du théâtre et pour engager la possibilité d’une lutte. À l’heure des confinements, de la syndémie (l’autre face de la pandémie), cette création quitte les murs des boites noires pour, en marche, se mettre en expérience d’écoute, de boutures et de grande bifurcation. Ce n’est pas un spectacle que l’on accueille, mais une idée que l’on éprouve ensemble, pas à pas, quinze jours durant. 

Au programme donc, des artistes qui testent et découvrent leurs personnages et différentes situations de la pièce à ciel ouvert ; d’autres qui, sur les sujets de fond, portés par le roman, expérimentent leur propre recherche quitte à ce que ces essais se croisent ou pas : une fanfare, des cueilleurs de rêves, des joueurs connectés, des chercheurs et une assemblée générale quotidienne qui prend la forme d’une web TV, d’une lecture quotidienne et d’une mise en abîme. 

Au final : 

  • Une aventure humaine qui supporte mal les évaluations, mais qui a enrichi une création et qui nous a nourris individuellement et collectivement. 
  • L’idée qu’un spectacle n’est pas un produit, mais un process capable d’embarquer largement hors des habituelles assignations à résidence. 
  • Avec « Rodez Mexico », une fiction, on découvre le fond d’une lutte dans laquelle nous nous sommes immergés au point de difficilement pouvoir rejoindre la désincarnation politique de certains plateaux. 
  • La certitude que, même s’il reste à explorer encore et encore, le vivant s’invente à la périphérie.